La section professionnelle du club de volley-ball masculin de Harnes (Ligue B) va mettre la clé sous la porte. C’était pourtant l’un des meilleurs clubs de volley de France… Que s’est-il passé ? Rivalités, rancoeurs, jalousies, intrigues, tous les ingrédients d’un mauvais polar sportif semblent réunis.

Crédit photo www.harnes-volleyball.fr/

C’est un coup de bambou pour les volleyeurs. A Harnes (Pas-de-Calais), la section professionnelle du HVB (Harnes Volley-Ball) vit certainement ses derniers jours. Après avoir terminé la saison à une flatteuse septième place du championnat de Ligue B masculine (ex-Pro B) et a même disputé la phase des « plays-offs » pour l’accession en Pro A…

Dès la saison prochaine (2015/2016), la municipalité d’Harnes devrait baisser de 205 000€ à 50 000€ sa part dans le budget du club (500 000€). Si l’on ajoute à cela, la baisse mécanique des subventions des autres collectivités, le HVB devrait subir une perte sèche de 380 000€. En clair, c’est la fin d’une époque. Celle d’un HVB sous les sunlights des parquets hexagonaux !

Cette décision-couperet, le maire d’Harnes, Philippe Duquesnoy, essaie tant bien que mal de la faire passer pour légitime. Son argument-massue ? « Le club n’est plus viable financièrement au niveau professionnel ». En 70 ans d’existence, le HVB n’en est pourtant pas à sa première traversée du désert sur le plan financier.

« Si le maire de Harnes voulait faire le lit du Front National, il ne s’y prendrait pas autrement », frémit-on dans l’entourage des plus hautes instances socialistes régionales. Il faut dire que depuis les élections cantonales de mars 2015, la position de la municipalité locale s’est considérablement fragilisée avec la montée du parti d’extrême-droite.

Le président du Harnes Volley Ball et une bonne partie de son comité ne digèrent pas cette mise à mort, selon eux, programmée de longue date. Ils exposeront leur point de vue à l’occasion de la prochaine assemblée générale du club, le 10 juin prochain. Et l’oraison funèbre promet d’être particulièrement houleuse. Leur angle d’attaque ? La situation financière du HVB est nettement moins grave que la mairie voudrait bien le faire croire…

Un décalage des subventions

Et pour cause, c’est bien un décalage purement technique qui pose problème. En effet, une association comme le HVB travaille sur une saison sportive. Logique ! Or elle est essentiellement financée par des subventions provenant de collectivités fonctionnant, elles, par année civile. La trésorerie du club souffre donc de décalages importants entre recettes et dépenses. Une situation d’ailleurs admise par l’équipe municipale. A titre d’exemple, la subvention de 75 000 €, allouée au HVB par la CALL pour la saison 2014/2015 a été votée début juin 2015 mais ne sera versée qu’en septembre prochain. C’est-à-dire durant la saison 2015/2016.

Un déficit chronique de 51 000 €

Peu crédible pour contrer l’argument des subventions, l’équipe municipale met alors le doigt sur un déficit de 51 000€ que le HVB traîne depuis 2012. Une brèche dans laquelle le maire Philippe Duquesnoy et son conseiller municipal en charge des sports Joachin Guffroy s’engouffrent comme pour enfoncer le clou. Selon le maire, les dirigeants du HVB n’auraient de toute façon pas passé le cap de la DNCG (Direction nationale du contrôle de gestion) et le club aurait été naturellement rétrogradé en Nationale 2. Mais qui aurait pu prédire la réponse du gendarme financier ?

D’après les dirigeants du club de volley, le déficit réel du HVB sur la saison 2014/2015 sera d’environ 10 000 €. Mais surtout car plusieurs partenaires font régulièrement défaut. Où sont par exemple les 20 000 € promis et signés par l’entreprise harnésienne Volma ?

Le déficit imputable à la mairie ?

« Lorsqu’en 2012, nous sommes descendus en Nationale 1, on nous a demandé de remonter le plus vite possible », assure Jacques Cuvillier du HVB. « On a donc maintenu des contrats de joueurs et un budget de Ligue B ! » La raison ? « C’est le moment où le conseil régional décidait ou pas de la construction d’une nouvelle salle de volley-ball à Harnes (NDRL : la salle Maréchal sera inaugurée le 13 juin). Or le fait d’avoir un club de haut niveau constituait forcément un élément déterminant pour l’issue du vote ».

La municipalité n’assumerait-elle plus aujourd’hui ses « recommandations » faites à l’époque au HVB ? « On n’a jamais rien imposé », botte en touche le maire. Du côté du cabinet du président du conseil régional Nord-Pas-de-Calais, Daniel Percheron, on affirme aussi que « la présence d’un club de haut niveau n’était pas une condition sine qua none».

Aujourd’hui, on peut néanmoins se demander si un investissement aussi lourd (10 millions d’euros avec l’aménagement des accès au site) et ses 2 000 places (dont 1 000 rétractables) peuvent véritablement se passer de compétitions d’élite ? « La salle va héberger le volley masculin mais aussi le club féminin et le handball », précise Philippe Duquesnoy qui souhaitait également anticiper la fermeture de deux salles sur sa commune. Alors merci sainte région : les jeunes volleyeurs harnésiens auront leurs « Grand stade » à eux !

Les vraies raisons sont-elles ailleurs ?

Si le maire et son entourage n’hésitent jamais à répondre aux questions financières qui touchent le HVB, le climat devient tout de suite plus tendu lorsque l’on évoque la subvention exceptionnelle de 70 000€ initialement prévue pour le VCH, le club féminin de la ville (Nationale 1). De quoi faire bondir plus d’un volleyeur !

La situation financière du HVB ne serait-elle finalement pas le prétexte à enclencher un favoritisme à peine voilé du VCH ?  « Cela dit, il y a au niveau de la CALL une volonté claire de favoriser l’essor du sport féminin en général  », se justifie le maire de Harnes. Si cette aide substantielle est aujourd’hui largement remise en cause, la municipalité a en tout cas clairement décidé à un moment donné de doter le club féminin VCH (qui enregistre 340 000€ de budget tout de même). « Nous étions en déficit », expliquait dernièrement Jocelyne Machenski, la présidente au micro d’Henri Roussel, reporter à Radio Plus à Douvrin. Alors que les comptes 2013/2014 du VCH laissent apparaître un excédent supérieur à 30 000€…

Les rancoeurs au cœur de l’affaire

Baisse des subventions du HVB, augmentation de celles du VCH, le favoritisme des filles au détriment des garçons paraît évident. Pourquoi les élus ont-ils pris une telle décision ? Entre les deux clubs règne semble-t-il une incroyable rivalité. Marc Maréchal, figure incontournable du volley harnésien depuis deux décennies, et par ailleurs l’actuel vice-président du VCH, a officié sur les deux bancs d’entraîneur. Mais il conserve une très grosse amertume de son départ du HVB. Au point d’œuvrer contre le club voisin ? Il semble que oui. Lors de la préparation d’une séance d’entraînement du HVB, Igor Juricic, le coach croate du HVB, s’est plaint que Marc Maréchal se soit amusé à retirer les plots scrupuleusement placés pour l’entraînement. (Marc Maréchal étant également le concierge de la salle Bigotte).

Ce qui pourrait être considéré comme une blague de potaches traduit, à Harnes, la forte hostilité entre les deux clubs. « Les deux comités se détestent », confirme d’ailleurs Joachim Guffroy. Le jeune conseiller municipal de 22 ans en sait quelque chose. Il est aujourd’hui très proche du VCH après avoir pieusement obtenu son entrée au comité du HVB, au travers d’un courrier circonstancié. Les haines et autres rivalités de clochers seraient-elles à l’origine du bourbier harnésien ? « Ce sont des gamins », confirme Loïc Bouanda, joueur et capitaine du HVB, récemment recruté par la mairie. « C’est incroyable », ajoute Romain Decaux, joueur de l’équipe réserve du HVB. « Entre joueurs et joueuses des deux clubs, il n’y a pas l’ombre d’un souci. Mais alors entre les comités, c’est un truc de fous ! »

Des connivences entre le VCH et la mairie

Dès lors, on peut s’interroger sur les relations étroites entre la municipalité et le VCH. Dominique Morel, l’adjoint aux finances de la ville de Harnes, n’est autre que le président d’honneur du VCH. Frôle-t-on ici le conflit d’intérêt ? « Absolument pas », s’agace le maire. Son adjoint aux finances ne cache pourtant pas que la fin de carrière de son fils au HVB ne s’est pas faite dans les meilleures conditions ! Là aussi, rancœur quand tu nous tiens !

L’élu en charge du dossier, Joachim Guffroy, lui, est devenu un aficionado du club féminin, au point d’arborer une superbe perruque verte certains soirs de match. Il n’hésite jamais non plus à souffler dans le biniou pour essayer de chauffer la salle ! Il faut dire que la fréquentation de la salle Bigotte à l’occasion des matches des filles fait peine à voir… Lors du dernier match à domicile face à Sens (perdu 3 sets à 2), le jeune conseiller-supporter s’est même fendu d’un « vendu » à l’encontre de l’arbitre de chaise, au terme d’un point litigieux. Une attitude partisane plutôt ennuyeuse, lorsque l’on sait que le jeune homme apparaît comme la cheville ouvrière du dossier volley à Harnes. Son omniprésence dans l’entourage du club féminin mais aussi lors des réunions en mairie sur les sujets financiers paraissent à certains incompatibles… Même Philippe Duquesnoy reconnaît aujourd’hui que l’ambiguïté est gênante !

Joachim Guffroy est également très actif sur les réseaux sociaux. Il n’hésite jamais à commenter les activités sportives de sa ville, les choix municipaux, et autres attributions de subventions sur son compte « Facebook ». Si, bien évidement, on encourage les élus à soutenir les clubs de leur commune, cette passion du jeune homme pour les filles de Harnes percute de plein fouet la stratégie municipale qui vise à détricoter le club des garçons !

Ambitions sportives divergentes entre deux clubs voisins, fortes rivalités entre les membres de deux comités, accointances à peine dissimulées entre un club et des membres influents de la mairie, tout cela a permis d’enclencher un mécanisme de destruction de la section professionnelle du HVB et le démarrage d’une politique de soutien inconditionnel du VCH. Philippe Duquesnoy, le maire, ne risque-t-il pas tôt ou tard de payer ce choix politique particulièrement partisan ? N’a-t-il pas abandonné un peu trop de son autorité à certains collaborateurs ? Même s’il semble faire machine arrière sur cette subvention exceptionnelle si surprenante qu’il s’apprêtait à allouer au club féminin, le piège s’est néanmoins refermé sur le HVB. Il était presque parfait !

Source : DailyNord – www.dailynord.fr – Benoît Dequevauviller